C’est une entreprise originale, à rebours des contraintes économiques de l’époque, un espace de liberté. Une fois par mois, François Rollin et ses talentueux invités se livrent, dans le cadre des FMR de Rollin, à des performances sur la scène de l’Européen (lecture de poèmes, recettes de cuisine, joutes oratoires musico-littéraires, improvisations préméditées…). Aidé du professeur, on a tenté de définir ces FMR (initiales de François-Maurice Rollin) en égrainant sous la forme d’acrostiche les six lettres de son patronyme.
R comme (ré)création. « J’essaie de faire du divertissement intelligent. On est sérieux mais dans la légèreté. Récréation et création aussi, parce que, selon moi, on vit une époque dans laquelle le formatage télévisé et radiophonique menace la création artistique. Les artistes créent de moins en moins mais essaient de rentabiliser de plus en plus leur spectacle. De même que le boulanger doit faire du pain et le pompier éteindre des feux, l’artiste doit créer des choses, même trop, même mal, même un peu de travers.»
O comme oral. « C’est curieux, mais la seule formation que j’ai, c’est une formation à l’oralité. La capacité de parler, même longtemps, est un outil que j’ai à l’état naturel. Mon mode de communication, mon moyen d’expression, c’est celui-là, même s’il peut ensuite être couché par écrit. »
L comme libre. « Le formatage et l’emprise des commerçants étranglent la création artistique. Comme les espaces de liberté sont difficiles à conquérir à la télévision, j’en crée un à l’Européen, comme on a fait Le Grand Mezze avec Edouard Baer. C’est un espace où l’on peut exercer sa liberté de dire, de penser à côté… Bref, de ne pas tout calculer. »
L comme langue. « Ça fait toujours un peu pompeux de dire qu’on est amoureux de la langue française, ça fait penser à des vieux professeurs pas très sympathiques, avec une barbichette. Or, précisément c’est notre patrimoine, notre culture, quelque chose de très fort et de très partagé. C’est d’autant plus nécessaire qu’actuellement ceux qui se prétendent les chantres de la belle langue sont le Front national et Radio Courtoisie. Il ne faut absolument pas leur laisser le monopole d’un trésor qui appartient à tous. »
I comme invités. « Il devient difficile de créer des rencontres, alors que c’est la base du théâtre. Mes invités sont des gens dont le travail m’intéresse, sans avoir forcément le même univers que moi. J’ai compris, a posteriori, ce qui rassemble tous les gens qui sont là : un humanisme qui prend des formes et des tonalités diverses, inscrit dans la droite ligne de Victor Hugo. »
N comme nonobstant. « Nonobstant permet de relativiser tout ce que je viens de dire pour éviter que cela ne devienne pesant. Après tout, c’est toujours un peu étrange et absurde de théoriser sur l’activité humoristique. C’est souvent par un contre-pied qu’on devrait signer ce genre de déclaration. Avec nonobstant, c’est l’occasion de le faire. » Tout à fait, Professeur.
Article paru dans Zurban le 14 décembre 2005.