Trois ans après Tous les Algériens sont des mécaniciens, Fellag revient dans un « cooking show » mis en scène par sa compagne Marianne Epin. Ce prétexte culinaire permet de parler de la société et des tensions communautaires : les Français ayant élu le couscous comme leur plat préféré, l’humoriste en déduit qu’ils aiment les Algériens, les Algériens aimant en retour les Français. C’est à une grande réconciliation binationale qu’appelle, non sans distance, l’humoriste algérien qui vit à Paris. La marmite est une métaphore du melting pot : dans un même récipient coexistent des légumes de saveur et de couleur différentes, navets, courgettes, carottes, qui concourent à une création collective sans se renier.
Fellag entame dans le vif, par le récit fantasmé de son arrivée en France en 1995, au lendemain des attentats du RER Saint Michel : débarqué à Marseille où les Maghrébins sont nombreux, il croit se trouver dans une « Algérie française qui a réussi ». Dans le train, il est immédiatement suspect, chaque voyageur dessinant mentalement la barbe qui lui manque pour compléter le portrait robot du terroriste, malgré ses efforts pour ressembler à un intellectuel algérien nourri aux Lumières qui « lance un SAS » en ouvrant un San Antonio. Ayant quitté précipitamment le compartiment où il a laissé sa valise pour rejoindre le wagon restaurant, il est appelé au micro par un contrôleur qui écorche son nom (« c’est un anagramme ? ») avant d’être mis knock out !
Occupé à préparer un couscous, il imagine un tour de France burlesque où concourent les différents plats nationaux, jusqu’à l’arrivée du couscous victorieux. Un autre sondage plaçant la France au rang de nation la plus désespérée alors que les Afghans sont parmi les plus optimistes, il montre en quoi Algériens et Français sont complémentaires, l’espoir des uns faisant défaut aux autres, et appelle en riant à une solution radicale. Sa « nouvelle constitution de la France colonisée par les Algériens » ne change rien à l’organisation du pays toujours géré par les Français, auxquels tiendront compagnie des Algériens disposés à préparer le thé ou le couscous. Troisième sondage : si les Français sont considérés comme les touristes les moins sympathiques du monde, pas de problème, « on vous trouve bien, nous, on croit en vous ! » Il évoque aussi les effets du ramadan sur le comportement et incarne Mouloud, le berbère marocain qui tient l’épicerie du coin, qui reste emmitouflé durant tout l’hiver sans bouger, les frigos débranchés.
Certes, ça et là, Fellag continue à employer des termes au charme désuet comme « hurluberlu », mais ce show a perdu un peu de l’ingénuité du précédent. Si le texte est toujours aussi fluide, le ton s’est resserré, plus piquant et offensif, sans jamais perdre son autodérision. Personne n’est épargné… Ainsi, tout le monde est raciste et « on est content que vous portiez le poids de cette culpabilité ». Sur un fil tendu de bout en bout, avec une étonnante habileté pour enfiler des clichés en les retournant sur eux-mêmes, Fellag s’amuse à mêler Français et Algériens dans un même rire libérateur. Son message, en somme : laissez-nous entrer et vous nous oublierez.