Dans un nouveau spectacle, un humoriste interprète souvent un sketch de son précédent opus, à la façon d’un clin d’œil au public. Élie Semoun, lui, joue à chaque nouveau show trois ou quatre sketchs de ses précédentes créations. Ses personnages sont si présents qu’ils prennent possession de son corps défendant, comme des créatures en rébellion contre leur auteur. Ainsi apparaissent dès le début Toufiq, M. Patel ou Mikeline, à laquelle il consacre d’ailleurs un sketch déjà vu.
Malgré ces redites, Tranches de vies est un bon cru. D’abord parce que ça commence de façon inattendue, originale, entraînante, par une confession au public : Élie Semoun passe ses dimanches dans les jardineries, parmi les ficus, les banzaïs et les familles en goguette qui se pâment devant les nouveaux modèles de pelles ou de râteaux, Parigos épanouis dans un ersatz de campagne. Cette excellente mise en bouche se prolonge avec la confession d’un louseur menteur qui sort avec une jeune Russe aveugle et muette, et le portrait d’un handicapé poussé par un nain. Après la surprise, le spectacle retombe dans un train-train de sketchs connus, Kevina et Julien, la mamy et sa petite fille en shorty, ou Mikeline au royaume de la pissotière. Sans oublier la pièce maîtresse du précédent show, le braquage de branquignoles où l’humoriste tente de faire parler simultanément ses personnages, comme s’il fallait donner des gages de technicité au public… Et ça remonte, comme les montagnes russes, avec deux sketchs inédits qui mettent en scène un chirurgien esthétique sans scrupules et un futur beau-père toxico, ainsi qu’un rappel parfaitement ciselé.
En plus de tous ces sketchs, les phases stand-up sont bien senties, notamment lorsqu’Élie Semoun se moque de la communauté des vieux à laquelle il refuse d’appartenir (il aura 50 ans l’année prochaine). Bon, au passage, comme d’habitude, il rit de ses propres blagues et oublie son texte, des moments qu’il est l’un des seuls à savoir faire passer. Reste maintenant à inventer de nouveaux personnages, de nouvelles situations – et peut-être de nouvelles jardineries à défricher.
NB : Dans une première partie réussie, Jean-François Cayrey réaffirme son assurance et ses qualités scéniques, avec parfois même des accents colluchiens dans les expressions timides ou les silences gênés, lorsqu’il incarne ce prof principal dépassé dans un collège de banlieue.
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