C’est à la Loge, théâtre à la programmation éclectique, qu’on découvre le show des slameurs Félix J. et Abd El Haq qui forment avec D’ de Kabal et Franco Mannara le collectif Spoke Orchestra. On a vu jouer Abd El Haq dans Une nuit en palabres, on a entendu la chanson parodique de Felix J, « Merci merci », qui critique la télé poubelle. Le show commence d’ailleurs par une parodie de télé-réalité starifiant des anonymes aux vies sans intérêt. Abd El Haq joue un sudiste affolé par le mouvement de la capitale, Felix J fait une revue de presse de chiens écrasés, avant une satire de bobo « zen », figure dont la perfection lisse rappelle le Blond de Gad Elmaleh, et un refrain en hommage à « notre Turkmenbachi, gloire à sa descendance » (voir la vidéo), qui reprend, façon Lettres persanes, le nom de l’ancien président du Turkménistan.
Après un enchaînement de fadaises publicitaires du genre « mâcher du fil électrique rend plus tonique », l’histoire de Palucheman qui galère avec les filles et le discours du dictateur russe en traduction simultanée et approximative, on arrive à un passage sur les banquiers qui donne son titre au spectacle – tout le monde n’a-il pas un « compte débiteur » dans la salle ? Qu’il s’agisse des banquiers, des bobos qui achètent des riads à Marrakech, des lascars qui foutent la merde au théâtre, les slameurs tirent sur tout ce qui bouge, sans trop d’autodérision.
Si Abd El Haq, à l’aise pour changer de personnage, est un vrai comédien – bien qu’on lise parfois sur ses lèvres le texte dit par son acolyte -, Félix J. scande ses textes ironiques toujours de la même façon. Compte débiteur est un spectacle intéressant, ambitieux, foisonnant et riche, mais bancal… Et puis, à force de critiquer des poncifs qu’ils attribuent aux autres et de tirer sur des ambulances, ces (faux) rebelles, pourtant talentueux et imaginatifs, ne s’enferment-ils pas eux-mêmes dans un cliché ?
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