Blanche s’est fait connaître en 2006 en participant au Jamel Comedy Club, puis à la série Inside Jamel Comedy club qu’elle a co-écrite et mise en scène avec Fabrice Eboué, où elle incarne une post-ado qui éprouve des frissons d’altérité en se faisant des tresses africaines. C’est avec la même ironie qu’elle décrit le regard exotique porté par les bobos sur les immigrés dans ce show fin et provocateur. Blanche montre en particulier comment ces trentenaires hypocrites vrillent lorsqu’ils deviennent parents, leur sens de l’humour étouffé par un conservatisme grandissant qui éclate lorsqu’ils refusent de mettre leur môme à l’école du quartier. Elle illustre avec humour le phénomène actuel de gentrification : on quitte le centre pour la banlieue où vivent les « autochtones », ce faisant on fait monter les loyers qui les repoussent plus loin, et on continue à les suivre avec un temps de retard…. Jusqu’à ce qu’ils rentrent chez eux ? La boboïtude ou le programme de Marine appliqué en douceur.
Artiste, 37 ans, célibataire et déprimée, Blanche se demande comment vivre avec l’autre. Ses relations ne durent pas plus de deux ou trois mois. D’ailleurs son mec vient de la quitter, un pervers narcissique (ce que disent toutes les filles qui viennent de se faire larguer, précise-t-elle). Rayon MST, elle apprend au public, façon promotion morbide, qu’elle a attrapé un papillomavirus, une nouvelle qu’elle avait déjà annoncée par un mail groupé à l’ensemble de ses ex, sous le doux titre de « zob en feu ». On retrouve son sens de la formule quand elle se félicite de pouvoir encore se « taper un Asiatique sans qu’il ait l’impression d’être perdu à Châtelet – les Halles », à l’inverse de ses copines mamans.
Ses conseils pour garder un mec : trouver le subtil équilibre entre le faire chier et le sucer. Elle évoque l’homosexualité féminine latente que lui a révélé la lecture de Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir : oui, chaque fille est sortie du vagin de sa mère, mais comment fera-t-elle si elle prend du plaisir lorsque son bébé lui léchera les seins ? Rayon zoophilie, elle évoque le charme du lion qu’elle imagine fort et tranquille, secouant la queue dans une savane alanguie. Son côté trash est souligné en contraste par sa robe rouge à poids noirs dans laquelle elle se tient gentiment debout, micro en main, à la façon d’une gentille petite fille.
DEA de sociologie en poche, cherchant le « sous-texte » de chaque phénomène, elle livre une interprétation métaphysique des paroles d’« Au bal masqué » de la Compagnie créole. C’est évident, le « Aujourd’hui, tout est permis » est une ode au carpe diem. Quant aux livres de développement personnel qui fleurissent à la Fnac, au fond, c’est du Socrate revisité par les marques de chaussures de sports : just do it !
Ado elle avait l’impression d’être Jésus et se voyait dotée d’un destin exceptionnel en marchant dans la foule. Aujourd’hui, elle quitte parfois la capitale pour une retraite spirituelle à l’Île d’Yeu, espérant revenir avec un recueil de poèmes mais elle ne ramène qu’un rhume et une grosse envie de Mc Do… Alors c’est sûr, Blanche n’a pas encore écrit son grand ouvrage introspectif, mais elle a pondu un spectacle explosif, intelligent et politiquement incorrect. Bref, du stand-up de très très haut niveau – et interdit au moins de seize ans !
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