Au moment de saluer, Arnaud Tsamere remercie Laurent Ruquier de lui avoir offert cette notoriété qui lui permet aujourd’hui de remplir le Splendid ! Il y a trois ans et demi, précise-t-il, il jouait son précèdent show dans une salle de 45 places. C’était, entre avril et juin 2011, au théâtre des Feux de la Rampe, après la plus exiguë encore Comédie des Trois Bornes où il était passé en 2010. Ici, il est acclamé par 300 spectateurs qui l’ont sans doute vu à la télé ou entendu à la radio.
Tsamere, comme son alter ego Ben et leur mentor commun François Rollin, est toujours un champion de la digression. Ses divagations sont peut-être les moments les plus drôles, quand il nous embarque en laissant son sujet en plan pour délirer sur la sonorité du mot « baldaquin » ou qu’il entame un medley en enchaînant à bout de souffle des extraits de chansons françaises ultra brefs. Lorsqu’il mime avec les doigts des signes de parenthèses, il précise qu’il n’est pas en train de faire parler des lapins – ce serait alors deux lapins qui s’engueulent vu qu’ils parlent en même temps. Autre digression, sa méthode d’écriture d’un sketch : on choisit des personnages, par exemple deux vieux pédés sourds et suisses (ahah) qui se rendent à 22 heures au resto chinois. Pourquoi ne pas imaginer en parallèle un pingouin qui a mal au genou et se rend à l’hôpital américain, dont on se demande s’il a un bobo ou une tumeur cancéreuse ? Voilà l’occasion d’une nouvelle performance échevelée, où il incarne tous les personnages du sketch en genèse, un peu à la façon du morceau de bravoure de son précédent show, quand il jouait seul une parodie de vaudeville…
Toutes ces digressions s’écartent bien sûr d’une ligne directrice : pour son troisième spectacle Tsamere a décidé de surprendre son public en tâchant de pas le faire rire. Ainsi va-t-il se confesser – le titre rappelle d’ailleurs celui de son premier show – pour nous endormir, à l’image de ce pécheur évoquant sa passion dans une émission télé. Il dresse donc un contre-portrait de lui en mec chiant persuadé qu’il est original, comme on en croise parfois, qui affirme sa singularité avec des opinions ultra consensuelles : au lit, il préfère se retrouver à côté d’une femme plutôt que d’un homme, une plage paradisiaque lui semble plus désirable qu’un champ de mazout et il goûte sa choucroute plutôt fraîche qu’avariée – il est alors « à deux doigts » de ne pas la manger. Sa personnalité s’affirme dans ce trait de caractère qu’il déteste qu’on l’emmerde, oui, à moins bien sûr qu’un inconnu ne l’importune dans le bus.
L’idée est bonne. Néanmoins ce show est peut-être moins drôle que le précédent, également co-écrit par François Rollin et Arnaud Joyet. Soit que les idées fusent de façon moins surprenante, soit que le thème principal soit moins percutant (parler de soi plutôt que d’un prétendu ami décédé). Mais ce spectacle laisse sans doute plus de place à l’improvisation, notamment avec un spectateur sur scène, et le comédien surprend en jouant avec le décor, qu’il répare son pupitre à coups de marteau ou entame une discussion avec son paperboard…
Arnaud Tsamère reste cet humoriste singulier, au talent polymorphe, belle plume et improvisateur hors pair, qui, depuis mars 2013, écrit même des chroniques sportives dans Le Monde.